Hydrotubation : procédure, avantages, ça fait mal ?

L'hydrotubation est une technique utilisée pour diagnostiquer l'obstruction des trompes de Fallope, une des causes les plus importantes d'infertilité chez la femme. Cependant, l'intervention n'existe plus en France mais est toujours proposée, fautes d'autres moyens, dans certains pays sous-développés ou en développement, notamment en Afrique.

Hydrotubation : procédure, avantages, ça fait mal ?
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Définition : c'est quoi l'hydrotubation ? 

L'hydrotubation consiste en l'instillation d'une solution aqueuse composée de sérum physiologique ainsi que d'antibiotiques et d'anti-inflammatoires dans les trompes de Fallope afin de les déboucher.  Il s'agit d'une vieille méthode qui n'est plus utilisée en France mais encore proposée par certains pays pauvres faute d'autres moyens. 

Quand faire une hydrotubation ? 

L'hydrotubation serait indiquée pour les patientes chez lesquelles le médecin soupçonne une infertilité liée à une obstruction tubaire. "Aujourd'hui, l'hydrotubation peut être proposée essentiellement à titre diagnostic pour voir si les trompes de Fallope sont perméables ou non", explique le Dr Moïse Fiadjoe, gynécologue obstétricien. Les trompes de Fallope sont des conduits reliant les ovaires à l'utérus. Celles-ci jouent un rôle essentiel dans la reproduction car elles permettent le passage des spermatozoïdes vers l'ovocyte expulsé lui-même par l'ovaire et qui se trouve alors dans le pavillon tubaire. La fécondation a ensuite lieu dans l'ampoule tubaire. Enfin, l'embryon remonte la trompe pour aller s'installer dans la cavité utérine. Lorsqu'il y a infertilité tubaire, cela signifie que la rencontre entre les spermatozoïdes et l'ovocyte est impossible. L'obstruction des trompes de Fallope serait l'une des principales causes d'infertilité chez la femme. L'hydrotubation peut également avoir un but thérapeutique lorsque celle-ci est utilisée après une micro-chirurgie tubaire afin de s'assurer que les trompes sont bien restées ouvertes et de vérifier la présence de caillots. "On pensait alors à l'époque que l'injection de liquide pourrait évacuer les caillots." 

Comment se déroule l'intervention ?

Le mélange de médicaments sous forme liquide est injecté à travers le col, passe par la cavité utérine avant de traverser les trompes si celles-ci ne sont pas bouchées. Lorsque la solution parvient à passer par les trompes, la patiente ressent quelques douleurs et un graphique prend forme. Il n'y a cependant aucune image permettant de vérifier l'état des trompes. "Ce n'est parce que les trompes sont perméables qu'elles sont fonctionnelles", souligne le Dr Fiadjoe. 

Est-ce que ça fait mal ? 

Selon le Dr Fiadjoe, les patientes ressentent des douleurs au niveau du bas ventre et des épaules. Les études scientifiques et le témoignage sur les réseaux sociaux de femmes ayant subi cette intervention en Afrique confirment que les douleurs pelviennes sont très fréquentes. Autre complication : des saignements vaginaux peuvent survenir. 

Est-elle utilisée en France ? 

Non, l'hydrotubation n'est pas ou plus utilisée en France. Les nombreux gynécologues français contactés ne possèdent pas de connaissances concernant cette technique et très peu d'informations existent sur ce sujet dans la littérature scientifique française. Celle-ci semble davantage se tourner vers certains pays d'Afrique où "65 à 85 % des infertilités tubaires sont d'origine infectieuse", selon cet article scientifique sur l'Infertilité tubaire en Afrique. "La prise en charge de l'infertilité en Afrique est complexe, du fait de la précarité des moyens de prévention et de la difficulté de disponibilité et d'accessibilité des méthodes de diagnostic et de traitement. Grâce à des prouesses technologiques (cœlioscopie, FIV), de nombreuses femmes ayant une infertilité tubaire ont pu procréer dans les pays développés. Ces techniques tardent à se vulgariser en Afrique à cause de leur coût et de leur disponibilité", expliquent les auteurs, médecins au sein du service de gynécologie-obstétrique de la clinique Biasa à Lomé, au Togo. Dans une publication Facebook, la Société des gynécologues et obstétriciens du Burkina (SOGOB) confirme : l'hydrotubation "n'est plus pratiquée dans les pays développés qui utilisent plus les techniques de procréation médicalement assistée". Et le Dr Fiadjoe d'ajouter : "Il faut progressivement que les structures ayant peu de moyens s'affranchissent de ces vieilles techniques peu probantes pour éviter aux couples des errances thérapeutiques de plusieurs années et se tournent vers la radiographie, l'hystéroscopie, la coelioscopie ou encore des techniques de PMA." 

Est-elle efficace ? 

Selon l'article sur l'Infertilité tubaire en Afrique, l'hydrotubation tout comme l'insufflation tubaire n'ont pas montré leur efficacité. "La valeur thérapeutique de ces techniques est subjective mais, faute d'autres moyens, elles constituent le traitement de première intention. Leur efficacité n'a pas été démontrée en termes de taux de grossesse intra-utérine. Elles sont souvent utilisées faute d'autres moyens sans aucune preuve de la normalité ou de l'intégrité tubaire." En effet, sur la seule base d'un graphique et sans cliché, il est impossible de confirmer si les trompes sont perméables. D'autant plus que "dans le cadre de certaines pathologies, les trompes peuvent être perméables mais non fonctionnelles". D'après le National Library of Medicine en janvier 2009, l'hydrotubation peut "avec une bonne sélection des cas, être bénéfique dans les pays pauvres en ressources, en particulier chez les patients présentant une occlusion tubaire incomplète (adhérences périfimbriales bilatérales) et dans le cadre du traitement de l'infertilité inexpliquée". Ainsi, insiste le Dr Fiadjoe, "lorsque les trompes n'étaient pas abîmées, certains cas de grossesses après hydrotubation ont été décrits. Cependant, si le médecin procède à cette technique faut d'autres moyens, il peut y avoir recours une ou deux fois mais si la patiente ne tombe pas enceinte dans les mois qui suivent, il est nécessaire de ne pas recommencer". 

► Mais selon un article scientifique sur les procédures postopératoires pour améliorer la fertilité après une chirurgie reproductrice pelvienne, "la chirurgie pour corriger les lésions tubaires est entreprise pour améliorer les taux de grossesse et de naissances vivantes. L'hydrotubation postopératoire (rinçage des trompes de Fallope) a été utilisée pour améliorer les résultats de la chirurgie tubaire. La revue des essais a révélé qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour étayer la pratique courante de l'hydrotubation ou cette laparoscopie de contrôle après une chirurgie pelvienne de la reproduction. Plus de recherche est nécessaire"

Quels sont les risques ou complications possibles ?

Si les trompes sont déjà infectées ou abîmées, l'hydrotubation peut aggraver cette infection. En effet, les femmes africaines souffrent beaucoup d'infection mal soignées. "C'est pour cela qu'il est nécessaire de procéder à un examen clinique et une échographie pour vérifier l'état des trompes et proposer des antibiotiques avant de pratiquer l'hydrotubation." De plus, avoir recours plusieurs fois à des hydrotubations sans succès peut créer une infection alors que les trompes n'étaient pas préalablement infectées. Enfin, "pratiquer des hydrotubations alors que les trompes sont trop abîmées donne des faux espoirs au couple et lorsqu'ils finissent par avoir accès à des techniques plus probantes, l'âge n'est parfois plus au rendez-vous".

En France, quel est le traitement pour les trompes de Fallope bouchées ? 

Selon le Collège nationale des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), aucun médicament n'est efficace, seule la chirurgie ou plastie tubaire peut permettre de déboucher les trompes. "Elle consiste à ouvrir l'extrémité de la trompe et à enlever les adhérences (espèce de voiles qui enveloppent les ovaires et l'extrémité de la trompe) soit à enlever la zone malade et à rapprocher les deux bouts sains. Cette chirurgie se pratique désormais essentiellement sous cœlioscopie, c'est-à-dire sans ouvrir le ventre, lors d'une très courte hospitalisation."

Merci au Dr Moïse Fiadjoe, gynécologue obstétricien, responsable du centre de fertilité de la clinique Biasa (Lomé, Togo).

Sources : 
- Infertilité tubaire en Afrique (M.K. FIADJOE, V. ADJENOU, J.C. KOLANI, K.K. EGAH (Lomé, Togo)) 
- Publication Facebook de la Société des gynécologues et obstétriciens du Burkina, SOGOB
- Procédures postopératoires pour améliorer la fertilité après une chirurgie reproductrice pelvienne, National library of medicine
- L'hydrotubation dans la prise en charge de l'infertilité féminine : résultats dans les milieux à faibles ressources, National library of medicine
- Collège nationale des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)