Hypercholestérolémie familiale : symptômes, c'est quoi ?

L'hypercholestérolémie familiale est une maladie génétique peu connue, pourtant loin d'être anecdotique avec plus de 250 000 personnes touchées en France. Le risque de faire un accident vasculaire est multiplié par 13.

Hypercholestérolémie familiale : symptômes, c'est quoi ?
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L'hypercholestérolémie familiale (abrégée HF) est une maladie d'origine génétique responsable d'une importante augmentation du "mauvais cholestérol" dans le sang. Cette maladie est liée à un risque d'avoir un accident cardiovasculaire avant l'âge de 50 ans multiplié par 13. "Il y a une véritable méconnaissance de cette maladie alors que les chiffres sont relativement impressionnants en France : 1 patient sur 250 en est atteint, ce qui fait entre 226 000 à 270 000 porteurs d'HF, dont 50 000 enfants atteints", détaille Lionel Ribes, Président de l'Association Nationale des Hypercholestérolémies familiales et Lipoprotéines (Anhet.f), à l'occasion d'une conférence réunissant des médecins experts sur le sujet et à laquelle nous avons participé en octobre 2022. Alors, quand suspecter une hypercholestérolémie familiale ? Quels sont les signes de cette maladie ? Les causes ? Comment est posé le diagnostic ? Quel est le traitement ? Découverte et explications des médecins. 

Définition : c'est quoi l'hypercholestérolémie familiale ?

L'hypercholestérolémie familiale (ou héréditaire) est une maladie du métabolisme caractérisée par une élévation anormale du LDL-cholestérol (qu'on appelle communément le "mauvais" cholestérol). La personne ne parvient pas à métaboliser ce cholestérol. L'hypercholestérolémie ne résulte pas d'une mauvaise alimentation, mais c'est une maladie d'origine génétique, qui peut se transmettre des parents à l'enfant. La maladie est donc présente dès la naissance. "C'est une maladie silencieuse (asymptomatique), complexe, sous-diagnostiquée, génétique et héréditaire, autrement dit on est porteur ou on ne l'est pas", explique Lionel Ribes. "Hommes et femmes sont autant touchés", complète le Pr Catherine Boileau, pharmacienne biologiste spécialisée dans la génétique.

Il existe deux formes d'hypercholestérolémie familiale :

► L'hypercholestérolémie familiale hétérozygote qui concerne en France 1 personne sur 250.

► L'hypercholestérolémie familiale homozygote qui concerne en France 1 personne sur 300 000.

Infographie de l'Association ANHET.f
Chiffres et formes d'hypercholestérolémie familiale en France © Association ANHET.f

C'est quoi l'hypercholestérolémie familiale hétérozygote ?

"Dans la forme héréditaire hétérozygote (1 personne sur 250 en France), l'individu a hérité de deux copies d'un gène, une copie normale et une copie qui porte une mutation. La personne ne peut pas métaboliser le cholestérol et celui-ci s'accumule au niveau des articulations ou souvent, de la paupière", décrit le Pr Boileau. Une forme hétérozygote est associée à un taux de LDL-Cholestérol au moins 2 fois supérieur à la normale (entre 1,9 g/l et 4 g/l). Le risque d'avoir un accident cardiovasculaire avant l'âge de 50 ans est multiplié par 13.

C'est quoi l'hypercholestérolémie familiale homozygote ?

"Dans la forme homozygote (1 personne sur 300 000), il n'y a pas de copie normale du gène : l'individu a deux copies qui portent la mutation. Il s'agit d'une forme exceptionnelle et très grave de la maladie : un enfant porteur risque de faire un infarctus du myocarde avant l'âge de 10 ans", alerte le Pr Boileau. Cette forme est associée à un taux de LDL-Cholestérol 6 à 8 fois supérieur à la normale (entre 6 et 12 g/l).

Quel est le risque de transmission aux enfants ?

Si le père, la mère, le frère ou la sœur a une hypercholestérolémie familiale, la probabilité d'être soi-même touché est de 50%. "Autrement dit, à chaque grossesse, un parent malade a un risque sur 2 de transmettre la copie du gêne muté à l'enfant", explique l'experte. A noter que'une maladie génétique est dite de transmission autosomique dominante quand la présence d'un seul gène morbide est suffisante pour que la maladie s'exprime.

Chiffres et formes d'hypercholestérolémie familiale en France © Association ANHET.f
Transmission de l'hypercholestérolémie familiale © Infographie de l'Association ANHET.f

Quelles sont les causes d'une hypercholestérolémie familiale ?

La cause d'une hypercholestérolémie est génétique. "Il y a une véritable confusion entre l'hypercholestérolémie familiale qui est génétique, donc qu'on développe dès le départ de sa vie, et l'hypercholestérolémie non familiale qu'on développe au cours de sa vie (environnement, régime alimentaire)", insiste le Pr Catherine Boileau. 80% des cas d'hypercholestérolémie familiale seraient dus à une mutation - qui entraîne des anomalies de production ou de structure des récepteurs au LDL-cholestérol - au sein de l'un de ces 3 gènes :

  • Gène LDLR,
  • Gène APOB,
  • Gène PCSK9.

Dans 20% des cas, le(s) gène(s) porteur(s) de la mutation n'ont pas encore été identifié(s).

Quels sont les symptômes du cholestérol familial ?

L'hypercholestérolémie familiale est une maladie principalement silencieuse qui, pendant de nombreuses années, n'entraîne aucun symptôme. Certains signes cliniques caractéristiques peuvent toutefois évoquer cette maladie :

► Des xanthomes qui sont des plaques ou nodules jaunâtres au niveau de la peau ou des tendons . Ils sont dus à l'accumulation du mauvais cholestérol dans le sang.

► Des xanthélasmas qui sont des petites plaques jaunes au niveau des paupières (voir l'illustration ci-dessous). Pour l'anecdote, ces xanthélasmas seraient visibles sur le célèbre tableau La Joconde de Léonard de Vinci, qui serait alors la première femme représentée dans l'Art atteinte d'hypercholestérolémie familiale.

► Des arcs cornées qui forment des arcs de cercle blanchâtres autour de l'iris (ils n'altèrent pas la vue).

Xanthomes autour des paupières, symptôme évocateur d'une HF
Xanthomes autour des paupières, symptôme évocateur d'une HF © Natalia - stock.adobe.com
Zoom sur Mona Lisa - La Joconde
Zoom sur Mona Lisa - La Joconde © DR

Quels sont les risques cardiovasculaires d'une hypercholestérolémie familiale ?

Dans la forme hétérozygote, il y a un risque d'accidents cardiovasculaires fatals ou non fatals :

  • Chez environ 50% des hommes avant l'âge de 50 ans
  • Chez environ 30% des femmes avant l'âge de 60 ans.
  • Sans traitement, ces accidents peuvent survenir dès l'âge de 20 ans.

Dans la forme homozygote, il y a un risque très grave de complications cardiovasculaires, comme :

  • Un angor (angine de poitrine)
  • Un infarctus du myocarde
  • Une mort subite précoce avant l'âge de 30 ans voire dès l'enfance (sans traitement)

Qui consulter en cas d'hypercholestérolémie familiale ?

En cas de suspicion d'HF, il convient de consulter son médecin traitant ou un endocrinologue.

Chez l'enfant, il convient de consulter un pédiatre.

► Quand le diagnostic d'HF est posé, il convient de se faire suivre par un médecin spécialiste ou un pédiatre (selon lâge) spécialisé dans la prise en charge des dyslipidémies.

Comment pose-t-on le diagnostic d'une hypercholestérolémie familiale ?

"Pour dépister une hypercholestérolémie familiale, il suffit de faire un bilan lipidique EAL simple (prise de sang) car on peut avoir le taux de cholestérol total et le taux de cholestérol LDL, répond d'emblée le Dr Sophie Béliard, endocrinologue. En France, l'âge moyen du diagnostic est de 45 ans, ce qui est beaucoup trop tard. C'est dommage car il y a une stratégie de dépistage massif en Slovénie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, mais pas en France car la maladie reste très peu connue. Alors que par exemple, un dépistage précoce et systématique des enfants (par prélèvement par goutte de sang sur papier buvard) permettrait de réduire la mortalité de 48%". Le diagnostic d'hypercholestérolémie familiale peut être évoqué en cas de taux anormalement élevé de cholestérol LDL (au-delà de 1.9 g/l en l'absence de traitement) et que le taux de triglycérides est normal, et après avoir éliminé toutes les causes possibles (hypothyroïdie, diabète...). Pour confirmer le diagnostic, un génotypage (ou un dépistage génétique) peut être effectué à partir d'une prise de sang et permet d'identifier la mutation responsable de la maladie. "Sans traitement, c'est un Homme sur 2 qui fera un événement cardiovasculaire avant 50 ans. Donc, je dépiste tôt, je traite tôt et je ne risque pas de faire un accident cardiovasculaire tôt", poursuit notre interlocutrice.

Quel traitement pour soigner une hypercholestérolémie familiale ?

La prise en charge repose sur des règles hygiéno-diététiques (réduction des graisses saturées, des aliments transformés, augmentation des apports en oléagineux et en fibres solubles...) associées à un traitement médicamenteux permettant de réduire le risque de faire un accident cardiovasculaire.

Les statines sont les traitements hypolipémiants utilisés en première intention (à partir de 8-10 ans chez l'enfant après une période hygiéno-diététique de 6 mois, si le LDL-C est supérieur à 1.90 g/l et en prescrivant la dose efficace la plus faible pour rechercher le meilleur rapport bénéfice/risque).

► De nouveaux médicaments prometteurs, les inhibiteurs de PCSK9  (alirocumab, evolocumab) peuvent être utilisés selon certaines conditions (patients atteints de la forme homozygote en aphérèse (recours à l'evolocumab) ou patients atteints de la forme hétérozygotes qui ne sont pas aux objectifs thérapeutiques (recours à l'alirocumab) sous un traitement hypolipémiant maximum toléré et nécessitant une aphérèse). Ils sont administrés par voie injectable sous-cutanée tous les 15 ou 30 jours, sont bien tolérés et permettent une réduction du LDL-c de l'ordre de 60 %, en plus d'un traitement par statines.

► La LDL-Aphérèse est une technique comparable à la dialyse en cas d'insuffisance rénale. Elle permet d'extraire le cholestérol en excès dans le sang par épuration extra-corporelle. Elle peut être proposée aux patients HF homozygotes ou aux patients HF hétérozygotes dont le taux de LDL-Cholestérol reste très élevé (supérieur à 2 g/l ou 3 g/l selon leurs antécédents cardiovasculaires) malgré le régime et les traitements hypolipémiants. Elle est réalisée dans un centre spécialisé (il en existe environ une quinzaine en France).

Propos recueillis lors de la conférence sur l'hypercholestérolémie familiale organisée le 13 octobre 2022 par l'Association nationale des Hypercholestérolémies Familiales et Lipoprotéines (a), (Anhet.f) et animée par le Dr Gérald Kierzek, médecin urgentiste. Merci à Lionel Ribes, Président de l'Association, au Pr Catherine Boileau, biologiste spécialisée dans les maladies structurelles cardiovasculaires, au Dr Sophie Béliard, endocrinologue et au Pr Noel PERETTI, chef de service de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques du CHU de Lyon.